Comme tout le monde, tu as sûrement plein de manières d'exprimer ta révolte et ton refus de l'injustice. Tu peux tout casser, tu peux crier, pleurer, brûler des voitures, trop manger ou au contraire faire
la grève de la faim, tu peux mettre ta chaîne Hi-Fi à donf le samedi
soir histoire de prendre la tête aux voisins, tu peux taguer une
palissade, fumer, te mettre la tête à l'envers, enfin bref, tout ça
jusqu'à temps que quelqu'un t'écoute. Mais au bout d'un moment, tu
t'aperçois que l'expression de ta révolte est infinie et que ça n'a pas
servi à grand chose, à part peut-être à te faire du mal ou à en faire à
des gens que tu aimes. Surtout, tu t'aperçois que les raisons de ta
colère ont été oublié sous les décombres de ta fureur. Parce qu'il en
faut des mots, des verbes, des adjectifs et de la force morale pour
garder intacte sa propre réflexion (quand on en a une) tout en se
révoltant (si toutefois on ne veux pas rester passif). Ca,
The Clash l'avaient bien compris.
Quand leur premier album paraît en 1977, Londres est en pleine vague punk,
mouvement de révolte à qui il manque la réflexion et les mots. Lancés à
l'assaut de l'establishment anglais via la Reine d'Angleterre et son
premier ministre Margaret Thatcher, les Sex Pistols de Sid Vicious
démolissent les bases du rock'n roll. « Anarchy in the UK » crient-ils,
repris en cœur par de jeunes anglais qui portent des rangers ou des Doc
Martens aux pieds, des épingles à nourrice en guise de boucle
d'oreille, bière à la main et cheveux verts dressés sur la tête.
Pourtant, le mouvement ne sait pas très bien où il va ni comment il y
va. Il en va même à oublier le pourquoi du comment à force de nihilisme
et de « no future ». Une chose est sûre, la situation économique de
l'Angleterre n'est pas au plus haut de sa forme et la guerre froide est
encore de rigueur. L'île s'enferme dans un isolationnisme intransigeant
et un nationalisme exacerbé surtout vis-à-vis de la communauté
jamaïcaine qui habite les quartiers londoniens de Brixton et Notting
Hill. C'est là qu'interviennent
The Clash, c'est à dire Joe Strummer, Mick Jones, Paul Simonon et Topper Headon.
Avec leur single « White Riot » (émeute blanche) il mettent en lumière
l'injustice et les violences dont sont victimes les pauvres à Londres,
black ou pas black. Et là encore, c'est des mots qu'ils chantent, des
idées qu'ils engrangent. « Les noirs ont beaucoup de problèmes et sont
en train de jeter des briques mais les blancs s'en foutent, ils vont à
l'école et t'apprennent à rester mince ». D'ailleurs tout ce mythique
premier album qui n'a pour seul titre que « the clash » est du même
acabit. Dans la chanson « I'm so bored with the USA » (j'suis gavé des
USA) ils n'y vont pas de main morte : « les détectives yankees sont
toujours à la télé parce que tueur c'est un boulot qu'on fait 7/7j aux
States...j'en ai rien à faire des étoiles et des rubans, allons
imprimer maintenant ce qui a été enregistré pendant le Watergate...je
saluerai la Nouvel Vague et j'espère que personne n'en survivra...j'en
ai marre des States, qu'est-ce que j'peux y faire ? ». Dans “I Fight
The Law”, l'Angleterre résonne de “j'ai cassé des cailloux sous un
soleil de plomb, j'ai combattu la loi et la loi a gagné, j'ai eu besoin
d'argent parce que je n'en avais pas, j'ai combattu la loi et la loi a
gagné ».
The Clashc'est donc avant tout un esprit urbain, c'est à dire un esprit
politique. D'ailleurs, Strummer et ses acolytes ne se départiront
jamais de ce côté « guerilla urbaine ».
Leur second album, Give'em Enough Rope (littéralement « donnez-leur assez de corde pour se pendre ») est produit par un label américain en 1978. A l'instar d'un autre groupe punk, Buzzcocks, le groupe s'oriente vers quelques chose de plus mélodique et de plus « romantique » au contraire des Sex
Pistols et autres Damned. En 1979, sort le summum de leur carrière à
travers leur fameux double album London Calling, sorte de « mal du pays
» ressentis par
The Clashà travers des compositions à résonances reggae, rockabilly et jazz. A
juste titre, cet album est classé parmi les 500 meilleurs albums de
tous les temps par le magazine Rolling Stone !
En 1980, « le choc » récidive avec le triple album Sandinista ! dont le point
d'exclamation en dit long sur son côté « expérimental dub » au service
de l'anarcho-syndicalisme de tous les Pancho Villa de l'univers.
Ensuite, l'énergie et la fougue de Mick Jones et Strummer se tarissent
même si « Should I Stay or Should I go » et « Rock the Casbah » de
l'album Combat Rock (1982) continuent (encore maintenant) à faire
danser tout le monde. En 1985, l'album Cut the Crap sonne le glas d'un
très grand groupe.
Pour l'heure, Strummer et Headon sont morts, Mick Jones a managé un temps les jeunes Libertines et Simonon s'est mis
à la peinture. La loi a gagné...
London CallingShould I Stay Or Go NowStraight to Hell